PQ minoritaire

Québec renonce à réclamer des pouvoirs

Mais le gouvernement Marois exigera le transfert de milliards dépensés par Ottawa

Gouvernance souverainiste ? Nenni ! Tout au plus affirmation nationale !

Minoritaire, le gouvernement Marois se résigne à mettre de côté de larges pans de sa «gouvernance souverainiste», reportant à plus tard toute revendication de nouveaux pouvoirs. En revanche, il exigera du gouvernement Harper le respect intégral des compétences du Québec, soit la fin des empiétements et le transfert en bloc des milliards ainsi dépensés par Ottawa.

C’est ce qu’a indiqué le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et à la Gouvernance souverainiste, Alexandre Cloutier, dans une entrevue accordée mardi au Devoir, la première qu’il donnait depuis sa nomination. « La gouvernance souverainiste, vous aurez compris qu’on est apte à n’en mettre en branle uniquement qu’une partie », a-t-il livré à son cabinet du Secrétariat des affaires intergouvernementales canadiennes (SAIC). « On est obligé de prendre acte qu’on est minoritaire à l’Assemblée nationale. »
« On est souverainiste. Le minimum, c’est certainement de protéger la souveraineté qu’on est censé avoir à l’heure actuelle », a affirmé Alexandre Cloutier. « Ce que ça va vouloir dire de la part du gouvernement fédéral, c’est une lecture un peu plus pointue de la Constitution de 1867. »
Ainsi, il n’est pas question pour l’heure de réclamer de nouveaux pouvoirs en matière de communications, comme l’avait demandé sans succès le gouvernement Charest, ou encore le rapatriement de l’assurance-emploi, deux revendications qui font partie du programme péquiste. Impossible, selon lui, d’obtenir de l’Assemblée nationale une motion pour demander un amendement constitutionnel, une autre conséquence du statut minoritaire des péquistes. « Parce qu’on est un gouvernement souverainiste, on reste toujours avec le même objectif, qui est celui de faire du Québec un pays. Mais dans l’intervalle, on ne restera pas les deux bras croisés à attendre qu’un référendum arrive on ne sait quand », explique-t-il.
« Nous allons d’abord travailler sur ce qui nous apparaît le plus simple et le plus consensuel. »
Le gouvernement Marois entend en quelque sorte prendre Stephen Harper au mot. Alexandre Cloutier s’appuie notamment sur le discours que le chef conservateur a prononcé à Québec en 2005. « Le pouvoir de dépenser exorbitant a donné naissance à un fédéralisme dominateur, un fédéralisme paternaliste, qui est une menace sérieuse pour l’avenir de notre fédération », avait déclaré Stephen Harper.
« Ça tombe bien : on partage le même constat que lui sur l’état de la fédération canadienne », juge Alexandre Cloutier. Le gouvernement Marois entend agir de « bonne foi, de façon pragmatique », avec le gouvernement Harper. « Non seulement on va respecter nos engagements, mais on va aussi aider le gouvernement conservateur à respecter son engagement », a-t-il avancé.
Durant la campagne électorale, Pauline Marois ne s’est pas gênée pour faire de Stephen Harper sa tête de Turc. Le gouvernement péquiste s’oppose aux « valeurs » du gouvernement conservateur - la question de l’avortement, l’abandon de Kyoto, le traitement des jeunes contrevenants, etc. -, mais les deux gouvernements se retrouvent « sur un terrain commun » en ce qui a trait à la gouvernance de l’État et du respect des compétences fédérales et provinciales, a fait valoir le ministre.
Alexandre Cloutier a chargé le SAIC de répertorier tous les empiétements d’Ottawa dans les compétences du Québec, que ce soit en matière de municipalité, de santé ou de culture. Une liste préliminaire tient sur plusieurs dizaines de pages et porte sur des milliards de dollars, a-t-il signalé. « Il y a beaucoup de ménage à faire dans les relations Québec-Ottawa. Il y a beaucoup de pertes d’efficacité, de chevauchements, de programmes inutiles, de programmes doubles et même de la confusion dans le rôle des deux gouvernements », a-t-il dit.
Le gouvernement Marois entend réclamer un « transfert en bloc » des sommes qu’Ottawa dépense au Québec dans son programme d’infrastructures destiné essentiellement aux municipalités, une stricte compétence québécoise. Plus question de signer avec le fédéral des ententes pour chacun des projets d’infrastructures municipales. « On n’ira plus à la pièce comme le gouvernement précédent. Notre développement économique dépend de notre capacité à agir rapidement et à contrôler nos leviers en matière d’infrastructures », a-t-il souligné, dénonçant les retards occasionnés par la signature des multiples ententes ponctuelles.
Raisonnement similaire en culture, un champ de compétence exclusive du Québec en vertu de la Constitution de 1867, a signalé le ministre constitutionnaliste. Le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, est chargé de négocier le rapatriement des sommes que verse Ottawa en subventions aux artistes québécois par l’entremise du Conseil des arts du Canada, de Téléfilm Canada et de Patrimoine Canada. Nul besoin d’une modification constitutionnelle pour ce faire.
L’autre cible du gouvernement Marois, ce sont les dépenses directes du fédéral en santé et en éducation, deux autres champs de compétence exclusive du Québec. « On est très conscient du défi qu’on leur lance [aux conservateurs] », a cependant reconnu le ministre.
Enfin, selon le souhait de la première ministre, les ministres du gouvernement péquiste continueront à participer aux rencontres intergouvernementales. Mais ils seront tenus de respecter « un code de conduite », celui de la gouvernance souverainiste. « Il n’y aura pas d’ententes sectorielles », a assuré le ministre.
De même, le gouvernement Marois continuera de prendre une part active dans le Conseil de la fédération, qu’Alexandre Cloutier, alors dans l’opposition, qualifiait de « bébelle » qui rabaissait le Québec au rang de province comme les autres. « Nous ne noierons pas la vision du Québec à l’intérieur d’un conseil. Nous ferons valoir directement notre point de vue au premier ministre Harper », a toutefois soutenu Alexandre Cloutier.


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