Plus le temps passe et plus l'importance de débattre en commission parlementaire des déboires financiers de la Caisse de dépôt et placement du Québec s'impose.
Le gouvernement Charest espérait sans doute que la sortie publique de l'ancien patron de la Caisse, Henri-Paul Rousseau, lève suffisamment le voile sur les agissements de l'organisation qu'il a dirigée entre 2002 et 2008, assez du moins pour calmer l'opinion publique. Mais il reste encore quelques zones d'ombre pour justifier que reprenne le débat public devant les élus lors de la commission des finances publiques, ou dans le cadre d'une commission parlementaire séparée.
Cela dit, il faut reconnaître l'assurance et le cran de M. Rousseau. C'est pour ça que c'était lui, le patron de la Caisse et pas quelqu'un d'autre. Ancien professeur, il a déballé son sac devant un auditoire choisi de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain où il a été applaudi à tout rompre... Il ne s'est pas défilé non plus devant un groupe de journalistes, par la suite, et a répondu à un barrage de questions, le faisant même avec une courtoisie étonnante, remerciant presque chacun de ses interrogateurs de l'occasion qui lui était offerte de revenir avec plus de précision sur un aspect ou un autre de la gestion de la Caisse.
Les moins sceptiques lui donneront l'absolution sans autre ménagement.
De fait, Henri-Paul Rousseau a fourni avec ouverture et une certaine relativité plein d'informations sur comment la Caisse a pu en arriver où elle en est arrivée le 25 février dernier, en avouant une baisse de ses actifs de 39,8 milliards $ ? Cette chute du portefeuille de 155,3 à 120,1 milliards $ efface trois années de travail.
M. Rousseau explique la baisse par l'effet combiné de trois éléments :
- une «tempête parfaite» pendant 45 jours à l'automne 2008 déclenchée par le refus du gouvernement américain de sauver Lehman Brothers, provoquant une chute des bourses en raison d'une profonde incertitude des marchés financiers ;
- une perte de la valeur du dollar canadien de 20 %, qui a provoqué une perte aux livres de 8,9 milliards $ ;
- et une perte de 4 milliards $ dans l'investissement de la Caisse dans les PCAA, ce papier commercial adossé à des actifs.
On s'y attendait un peu, M. Rousseau a doré la pilule en présentant des chiffres qui présentait son administration sous un meilleur jour. Nous ne tomberons pas dans le panneau, surtout quand il ampute l'année 2008 de son bilan. Car on se doute bien que les décisions à la Caisse n'ont pas trop changé après son départ anticipé.
Mais Henri-Paul Rousseau ne détient pas toutes les réponses. Il reste toujours des questions à éclaircir. Certaines concernent M. Rousseau, comme sa prime au rendement, comme son inhabilité à mettre la Caisse davantage à l'abri d'une crise boursière, et sur les messages qu'il recevait du gouvernement en place, même très subtilement.
Au-delà de la responsabilité de M. Rousseau, il demeure que la Caisse a des obligations envers les organismes dont elle gère les dépôts.
Qu'en sera-t-il des impacts de ces décisions sur l'équilibre financier de la Régie des rentes du Québec ? L'étau se resserrera-t-il davantage pour les accidentés de la route bénéficiaires d'indemnités de la Société de l'assurance-automobile du Québec ? Et ainsi de suite. Jusqu'à quel point tous ceux qui profitaient, indirectement et un peu à leur insu, des bons rendements de la Caisse, devront-ils maintenant en subir les contrecoups ? Voilà ce à quoi la commission des finances publiques devrait s'attarder, entre autres sujets. Des travaux, des questions et des réponses dont l'importance et la pertinence n'en ont point diminué au terme de l'allocution d'Henri-Paul Rousseau. Au contraire. La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget s'entête à ne point vouloir en tenir une. Il faudra bien y venir un jour, ne lui en déplaise.
pjury@ledroit.com
Rousseau n'a pas toutes les réponses
Plus le temps passe et plus l'importance de débattre en commission parlementaire des déboires financiers de la Caisse de dépôt et placement du Québec s'impose.
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