Le lynchage d'Yves Michaud par l'institution ultime de notre démocratie, à savoir l'Assemblée nationale, sans voix dissidente, est d'autant plus grave qu'il a soulevé peu de protestations, hormis de ceux qu'on pourrait appeler les amis d'Yves Michaud.
Cette excommunication-là, improvisée, politiquement douteuse, fondée sur des rumeurs et des déclarations non vérifiées, tout cela dans une urgence créée de toutes pièces, s'insère dans une tradition culturelle religieuse dont nous nous croyons libérés. Le citoyen Michaud n'a contrevenu à aucune loi par ses propos, certes discutables dans leur formulation (pourquoi ce besoin de comparer par degrés les souffrances des peuples génocidés?), mais il n'a ni appelé à la haine des juifs ni nié l'Holocauste, au contraire. Il s'agit de retourner à ces textes, à la transcription de ses propos, pour s'en convaincre. Les députés, eux, ont adopté cette motion sans même étudier le dossier alors que l'Église elle-même le fait en cas d'excommunication. Ils ont donc abusé de leur pouvoir et nié le droit d'un citoyen à s'exprimer librement, fût-ce imprudemment et outrancièrement. Or la très grande majorité des élus actuels sont ceux-là mêmes qui, à vingt ans, dénonçaient la cléricalisation de la société et l'intolérance qu'elle entraînait. Le fait que peu d'adversaires d'Yves Michaud (ceux qui, disons, divergent d'opinion) ne se soient pas aussi élevés publiquement pour condamner le geste de l'Assemblée nationale en dit long sur les progrès à faire pour comprendre que la démocratie, dans la liberté qu'elle exige, est un risque à notre confort intellectuel. L'incapacité de vivre cet inconfort mène donc à l'intolérance.
«Je me souviens»? La devise n'est-elle pas fort à propos depuis quelque temps?
©Le Devoir 2001
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