Deux mythes propagés sur la hausse des tarifs d'Hydro

Le gaspillage d'électricité est le résultat d'un prix subventionné qui coûte de plus en plus cher aux Québécois.

Budget Québec 2010

Depuis quelques semaines, la hausse des tarifs d'Hydro-Québec (HQ) semble être au coeur des discussions au sein du cabinet du gouvernement de Jean Charest pour régler le déficit structurel du Québec. Évidemment les contestations ont fusé de toutes parts pour bloquer cette réforme. Certains arguments utilisés par les pourfendeurs d'une hausse des tarifs n'ont cependant aucun fondement social, environnemental ou économique.
Analysons deux exemples d'arguments couramment utilisés, faute d'espace pour tous les traiter. Le premier prétend que les économistes sont des menteurs lorsqu'ils disent que le prix de l'électricité est subventionné puisque HQ dégage des profits importants. Le second veut laisser croire que la majorité des consommateurs ne pourra réduire sa consommation car l'électricité est un service essentiel et par conséquent, hausser les tarifs revient à déguiser une nouvelle taxe.
Afin de répondre au premier argument, il faut clarifier ce qu'est une subvention. Le gouvernement subventionne un bien ou un service lorsqu'il intervient pour que le prix du bien soit inférieur à celui du marché (ou au prix efficace dans le cas d'un monopole). La subvention ne se définit pas uniquement par la remise d'un chèque à un producteur ou un consommateur. Dans le cas d'HQ, le prix du bloc patrimonial est fixé à 2,79 cents du Kw/h (le prix sur votre facture à 5,45 et 7,46 tient compte des coûts de transmission et de distribution). Ce tarif est inférieur au coût moyen de production (autour de 3,8 cents et au coût marginal de production. Le coût marginal de production est celui des dernières unités de production.
Dans le cas d' HQ, le coût marginal du projet de la Romaine est de 10 cents le kw/h et celui de la moyenne des projets d'éoliennes à 10,3 cents le kw/h. La subvention est donc l'écart entre ce qu'HQ pourrait recevoir sur le marché et ce qu'il reçoit dans les faits. La perte de revenu potentiel a exactement le même impact économique sur les comportements des consommateurs (domestiques et industriels qu'une subvention directe. Les calculs effectués par le gouvernement et certains économistes indépendants montrent qu'une augmentation du tarif d'un cent équivaudrait à une subvention de 1,4 milliard.
Plus cher ailleurs
Comme les nouveaux projets sont plus coûteux et que le tarif patrimonial est faible, nous risquons de voir les revenus et les profits d'HQ diminuer au fil du temps avec la demande croissante liée à la démographie. Pour illustrer le prix du marché, il suffit de comparer les tarifs chez trois de nos voisins. Au Nouveau-Brunswick, le tarif est de 9,54 cents le kw/h, en Ontario de 9,37 au premier palier et 10,27 au deuxième et au Vermont, le tarif est de 9 cents au premier palier et de 16 cents au deuxième palier. L'écart moyen de tarif est d'environ 3 cents le kw/h. La nature de la compagnie ne semble pas être un facteur majeur dans la détermination des prix chez nos voisins avec un propriétaire privé en Ontario, un monopole étatique au Nouveau-Brunswick et une coopérative au Vermont. Le résultat est une subvention supérieure à 4 milliards.
Quant à ceux prétextant que l'électricité est un bien essentiel, il faut bien reconnaître qu'ils sont dans l'erreur dans la mesure où plus d'un milliard d'habitants vivent sans électricité. Dans nos sociétés modernes, l'électricité est devenue un élément important qui a fortement contribué à améliorer notre qualité de vie mais elle n'est pas essentielle. Certains d'entre nous ont vécu ou ont des parents ou des grands-parents qui ont vécu sans électricité. Sans compter que des sources d'énergie alternatives peuvent être utilisées.
Ceci étant dit, avec la subvention de 4 milliards, nous aboutissons à un gaspillage massif d'électricité et ce pour toutes les catégories de consommateurs de la société et même chez les pauvres. Voici trois exemples de gaspillage généralisé au Québec qui n'existe pas en Europe car l'électricité y est deux fois plus chère.
- Laisser couler l'eau pour la durée d'une douche. Chaque année je sonde mes étudiants sur cette pratique et 100% des étudiants québécois affirment laisser couler l'eau chaude pour la durée de leur douche. Pourtant, une portion importante des étudiants sont relativement pauvres.
- La majorité des familles québécoises ne réduisent pas la température de la maison à 17 ou 18°C la nuit et pendant la journée lorsque la maison est inoccupée.
- De nombreuses familles laissent le téléviseur allumé sans personne pour la regarder (même chez les ménages pauvres).
Ce gaspillage est le résultat d'un prix subventionné. Ce gaspillage coûte de plus en plus cher aux Québécois car il nécessite des barrages qui coûtent de plus en plus chers. La comparaison avec d'autres juridictions et les analyses économiques montrent que les consommateurs sont sensibles à des hausses de tarifs et ceux-ci réduisent effectivement leur consommation face à des prix plus élevés. Le coût environnemental de la subvention est également de plus en plus important.
Les subventions à l'électricité québécoise sont mauvaises à long terme pour la société d'État et mauvaises aussi pour la société qui se prive d'une richesse importante.

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Luc Savard est directeur du GREDI
(Groupe de recherche en économie et développement international
professeur agrégé au département d'économique
à la Faculté d'administration
de l'Université de Sherbrooke.
NDLR - La Tribune accueille dans ses pages éditoriales quatre universitaires chevronnés qui, à tour de rôle chaque semaine, analysent l'actualité sous divers angles. Politique américaine, économie, environnement et immigration sont les grands thèmes retenus.

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Directeur du GREDI

(Groupe de recherche en économie et développement international professeur agrégé au département d’économique à la Faculté d’administration de l’Université de Sherbrooke.





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