Faut-il hausser significativement les tarifs de l’électricité au Québec?
La question nous est revenue à l’esprit cette fin de semaine alors que se succédaient différents points de vue à une tribune téléphonique.
La difficulté de ce débat est qu’il se fait souvent en l’absence de chiffres qui permettent de bien quantifier les choses et mesurer la force des arguments.
Nous sommes donc retournés au rapport Montmarquette, dont la conclusion est favorable à une hausse de tarifs, et qui a l’avantage de quantifier. Pour y faire une dérangeante trouvaille.
Plaçons d’abord les choses
Selon le rapport, si l’on portait le tarif de l’électricité résidentielle québécoise (6,7 cents du Kwh) à l’équivalent de ce qui se paie dans les autres provinces canadiennes (10,1 cents du Kwh), les recettes d’Hydro-Québec grimperaient de 1,6 G $. À ce chiffre, il faut ajouter un peu plus de 230 M$ qui proviendraient de l’électricité qui pourrait être économisée par les Québécois et revendue sur les marchés extérieurs.
Voyons maintenant l’impact sur les portefeuilles des ménages.
Si l’on faisait faire le saut aux tarifs selon la formule proposée, la facture des ménages québécois augmenterait significativement.
Le ménage gagnant moins de 10 000$ la verrait en moyenne augmenter de 361$ (de 812$ à 1 173$); le ménage faisant entre 40 000$ et 60 000$, la verrait bondir de plus de 500$ ( de 1 180$ à 1 684$); celui gagnant plus de 120 000$ la verrait grimper de 789$ ( de 1931$ à 2 720$).
Voici le premier piège
On le voit tout de suite, si l’on ne veut pas se retrouver dans une situation où Hydro devra couper le courant à bien des ménages, il faudra des mesures d’atténuation sur cette hausse.
Or, on le sait, le diable est dans les détails. Comment définirait-on ces mesures d’atténuations et quel serait leur coût de gestion?
Certains ont avancé que l’on pourrait utiliser les mécanismes de compensation de la TVQ. Mais ces mécanismes sont établis en fonction des revenus des contribuables. Non pas en fonction de leur utilisation de l’électricité. Il ne faudrait quand même pas enrichir ceux qui ne chauffent pas à l’électricité.
Hydro-Québec devrait-elle se mettre à produire un relevé fiscal attestant la consommation de plusieurs foyers? Peut-être. Mais c’est ajouter de la bureaucratie à un moment où justement on veut en retrancher pour alléger les coûts de l’État et de ses entités périphériques.
S’il faut aller chercher plus d’argent, il serait beaucoup plus simple d’utiliser le système de perception fiscale qui est déjà en place. On n’aurait pas à demander aux contribuables de casquer davantage pour couvrir les coûts de mise en place et d’opération d’un nouveau système d’atténuation.
Et les économies d’énergies, elles?: le deuxième piège
Oui, mais, feront valoir certains, une hausse d’impôt ne permettra pas d’aller chercher les 231 M$ d’électricité que l’on vendrait à l’étranger. Dit autrement, il y a du levier à hausser les tarifs. L’électricité que les ménages économisent en raison de la hausse de prix est revendue à l’étranger. Impossible d’obtenir ce 231 M$ si l’on ne fait que prélever par le système d’impôt traditionnel.
Tout à fait vrai.
Mais c’est ici que se cache ce que l’on n’avait pas vu jusqu’à maintenant et qui nous a grandement fait sourciller.
À combien porte-t-on le prix de l’électricité des Québécois pour générer les 2,9 Twh d’économies? À 10,1 cents du Kwh.
À combien revend-t-on cette électricité sur les marchés extérieurs pour générer les 231 M$? À 7,95 cents du Kwh.
C’est ça, vous avez bien lu : pour que l’équation tienne, on demande aux Québécois de payer plus cher l’électricité que le prix auquel on la revendra par la suite sur les marchés extérieurs !
Le gouvernement devrait se montrer prudent s’il songe à hausser les tarifs d’électricité significativement. Il risque en effet de se retrouver dans une situation où il aura l’air d’avoir berné les Québécois.
Comment en effet expliquer que le consommateur d’ici doive payer plus cher que le consommateur étranger, fut-il de gros? Se pourrait-il que l’on place la hausse à un niveau trop élevé?
Sur la base de ces chiffres, il apparaît difficile de penser que l’on puisse vraiment hausser le prix de l’électricité de plus de 18% (de 6,7 cents à 7,95 cents, plutôt qu’à 10,1 cents). Et conséquemment, que les économies d’énergies des ménages puissent être ce que l’on envisage.
Bref, oui, il pourrait quand même peut-être rester quelques dizaines de millions $ de plus par l’avenue de la hausse des tarifs plutôt que par l’impôt traditionnel. Mais cela reste à voir. Particulièrement dans un marché où le prix du gaz naturel a fortement périclité face à de gigantesques surplus et entraîné à la baisse les tarifs d’électricité. L’Association québécoise des consommateurs industriels parle d’un prix sur les marchés à l’exportation qui atteindrait aujourd’hui 3,1 cents du Kwh.
Une chose est sûre, la panacée financière que certains tentent de nous vendre ne se trouve pas ici.
Électricité: berne-t-on les Québécois?
Faut-il hausser significativement les tarifs de l’électricité au Québec?
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