Français dans l’intergouvernemental - Normal, c’est tout

Ben oui, c'est normal... Y'a que les colonisés pour s'en offusquer

En rappelant un principe normal, pratiqué par toutes les diplomaties, le gouvernement Marois s’est attiré les foudres de commentateurs d’ici et surtout du Rest of Canada (ROC), la semaine dernière. C’est largement injustifié.

Le principe en question ? « Le Québec […] s’exprimera en français lors de toutes les rencontres intergouvernementales de niveau ministériel ou sous-ministériel. » Le National Post est tombé des nues. Le Globe and Mail a déchiré sa chemise, condamnant une politique d’« étroitesse d’esprit » visant à provoquer l’irritation maximale.
Curieux : de l’élection de Pierre Elliott Trudeau jusqu’à celles de Stephen Harper en passant par le love-in de 1995, on nous répète sur tous les tons que le français est consubstantiel au Canada. Que ce pays est bilingue. Au fait, logiquement, plus de quarante ans après l’adoption de cette politique par la fédération canadienne, il devrait y avoir dans le ROC plusieurs ministres capables de comprendre, voire de parler le français. C’est pourtant encore, pour une quasi-totalité d’entre eux, une « langue étrangère ».
Parce qu’il est le principal foyer francophone de ce continent et de cette fédération, le Québec, grâce au libéral Robert Bourassa, s’est donné une seule langue officielle, le français. Il est donc tout à fait normal, lorsqu’un ministre ou un sous-ministre québécois fait une intervention publique officielle durant une rencontre interministérielle, qu’il s’exprime dans la langue de sa nation (c’est bien de cette manière que la Chambre des communes a qualifié le Québec en 2006, non ?). D’une part, le ministre ou fonctionnaire ne participe pas à ces rencontres à son propre titre ; il y représente le gouvernement. D’autre part, pour les ministres et fonctionnaires québécois, s’exprimer en français est une question de précision d’expression. Il s’agit de s’assurer que les bons mots seront utilisés. Dans une langue autre, le terrain devient miné. Il était à cet égard douloureux d’entendre Pauline Marois, en entrevue à la BBC, lors de son voyage au Royaume-Uni, affirmer en anglais, par exemple que la culture écossaise était « étrange ». Elle aurait dû accorder l’interview en français et voir ses paroles traduites par un interprète.
Par ailleurs, le ministre des Relations intergouvernementales, Alexandre Cloutier, a précisé que, dans les relations informelles, les conversations téléphoniques, les représentants québécois à l’aise en anglais peuvent sans problème le parler. Question de « bon sens », a-t-il dit avec raison. Et Dieu sait que le gouvernement du Québec peut compter sur une haute fonction publique bilingue. Elle l’est d’ailleurs bien plus que celle du fédéral et des autres provinces.
Dans le ROC, on préfère ne pas tenir compte de ces précisions et échafauder des scénarios où de terrifiants flics linguistiques sanctionneraient tout écart de la part des ministres ou sous-ministres. Il faut le dire : l’étrange épisode du « pastagate » n’a pas aidé l’image de la promotion et de la défense de la langue.
Quant à ceux qui ne décolèrent pas à la suite de la directive du gouvernement Marois, ils doivent savoir que la situation aurait pu être bien pire encore. Imaginez un gouvernement québécois qui déciderait carrément de ne plus répondre en anglais lors des conférences de presse ! C’est la médecine qu’un ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, avait servie à un journaliste de la BBC, en 2009. « Es ist Deutschland hier ! », « c’est l’Allemagne ici ! », s’était-il justifié. Le geste était excessif, bien sûr. La pratique, dans la capitale nationale du Québec, est à des années-lumière de cela : la plupart des politiciens passent la moitié des conférences de presse à s’expliquer en anglais. La directive du gouvernement Marois au sujet des relations intergouvernementales n’y change rien. Elle ne fait que rappeler un principe normal, appliqué jusqu’aujourd’hui de manière implicite, qui ne peut scandaliser que quelques commentateurs de mauvaise foi.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->