L'indifférence des Québécois

Enseignement intensif de l'anglais en 6e année

L’indifférence des Québécois

Nous faisons partie des peuples les plus bilingues au monde, mais ce n’est pas encore assez. Pour plusieurs, ce ne sera jamais assez. Quand nous arrêterons-nous? Quand donc cesserons-nous de ne voir la réussite que par l’anglais? Nous sommes convaincus que sans anglais, il n’y a pas d’avenir. Pas d’anglais, pas de salut. Sans anglais, nous ne sommes rien. Sans anglais, nous sommes des demi-personnes. Songez au sort que l’on a réservé à mesdames Pauline Marois et Louise Harel, qu’on a ridiculisées parce qu’elles avaient de la difficulté à s’exprimer en anglais. On a même mis en doute leurs compétences à diriger un parti politique. Est-ce une réaction normale? C’est d’une tristesse infinie que de voir un peuple avoir si peu confiance dans sa propre langue maternelle. Quand on est rendu au point qu’on est intimement persuadé que le français ne nous permet plus de nourrir notre famille au Québec, il ne nous reste plus qu’à nous angliciser.

Je ne suis pourtant pas contre l’apprentissage de l’anglais au Québec : il faut être réaliste et un coup d’œil sur une carte géographique nous y aide grandement. Je conviens aussi que l’anglais constitue actuellement le passeport idéal pour rejoindre le reste du monde, mais je voudrais que cet apprentissage ait lieu dans un contexte serein, normal, sans la paranoïa collective à laquelle on assiste. Et que l’on n’oublie jamais que c’est le français qui est menacé de disparaître au Québec.

Il est dommage que le docteur Camille Laurin ne soit plus de ce monde, il pourrait relancer une autre opération de psychanalyse comme celle qui a mené à l’adoption de la loi 101. Il pourrait nous faire comprendre que nous pouvons vivre, travailler et nous épanouir en français au Québec. Si nous le voulons.

Je rêve du jour où nous ferons collectivement de la langue française la langue du travail, du prestige et de la réussite au Québec. Actuellement, ce n’est pas le cas, on le voit clairement dans l’attitude de ces nombreux parents qui sont prêts à tout pour que leurs enfants étudient en anglais. Le jour où nous prendrons cette décision, les immigrants choisiront le français comme langue parlée à la maison, les jeunes allophones choisiront le cégep français et tous les Québécois parleront le français avec fierté et ils l’écriront correctement. La sauvegarde du français ou sa disparition est entre nos mains.

« Il y a des peuples qui ont survécu à des centaines d’années de domination, mais il n’y en a pas qui survivent à leur propre indifférence » Bernard Émond, cinéaste

***

Un texte pour nous aider à analyser les événements d’aujourd’hui puisqu’il semble que l’histoire se répète inlassablement.

Déjà en 1961, voici ce que disait du bilinguisme, l’un des fondateurs du R.I.N. (le Rassemblement pour l’Indépendance Nationale) monsieur Marcel Chaput :

« Peut-on imaginer situation plus absurde que celle dans laquelle vous avez été, comme moi. Six, huit, dix, douze ans d’école française quand cette langue que l’on dit si belle, ne sert même pas à nourrir son homme. Tant d’années pour apprendre une langue quand, une fois sorti de l’école, c’est l’anglais qu’il faut. Alors les parents demandent plus d’anglais. Ils ont raison les parents, et ce n’est pas moi qui les en blâmerai, car ils sont d’une logique impeccable. Ils voient clair les parents. Et les enfants aussi. Ils se rendent bien compte que sans anglais, on risque de ne pas faire son chemin au Canada ; que sans anglais, on risque d’aller grossir le nombre des chômeurs du Québec.

Mais où nous mènent ces demandes répétées ? Demain plus qu’aujourd’hui et après-demain plus que demain. Et ainsi de suite. Plus nos enfants seront bilingues, plus ils emploieront l’anglais ; plus ils emploieront l’anglais, moins le français leur sera utile ; et moins le français leur sera utile, plus ils emploieront l’anglais. Paradoxe de la vie canadienne-française : plus nous devenons bilingues, moins il est nécessaire d’être bilingues. C’est une voie qui ne peut nous mener qu’à l’anglicisation. Nous avons d’ailleurs parcouru une bonne partie du chemin. Il nous serait beaucoup plus profitable de ne savoir que l’anglais. Alors, anglicisons-nous et n’en parlons plus. … Je n’ai pas appris l’anglais par curiosité intellectuelle, je l’ai appris parce que c’était la langue du plus fort, parce que j’en avais besoin pour gagner ma vie. Si un homme qui sait deux langues en vaut deux, un homme qui est obligé de parler la langue de l’Autre pour manger ne vaut que la moitié d’un homme. Et le malheur du peuple canadien-français, c’est de prendre ses chaînes du bilinguisme pour une décoration de haute supériorité. Comme le garçonnet qui a peur dans l’obscurité siffle pour se donner du cran, le Canadien-Français brimé se gonfle de son bilinguisme pour oublier son complexe d’infériorité. »

Claude Bachand
_ Laval


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4 commentaires

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    10 mars 2011

    «Est-ce une réaction normale ?»
    Franchement, non, ce n'est pas normal. Seulement, voilà, beaucoup de choses qui ne seraient pas normales, aux yeux d'une nation souveraine, se produisent régulièrement au Québec. Et tant que nous ne serons pas réellement maîtres chez nous, avec un pays propre à notre nation, cela continuera ainsi...
    Un autre exemple? Il n'y a pas si longtemps, un internaute anglophone de Montréal, s'identifiant comme un fils d'immigrant, était venu sur Vigile pour défendre le cas du colonel Young, de Westmount, qui avait écrit sur son propre site, que les anglophones de Montréal devraient former des milices armées, et tirer sur les Québécois francophones!
    L'un des Vigiliens à lui répondre, l'a fait en anglais uniquement, écrivant en introduction: «je ne te ferai pas l'offense de te répondre, dans une langue autre que la tienne...»...
    Le gars vient sur Vigile, pour nous dire qu'il soutient un fou qui en appelle au génocide des Québécois, presque. Et l'autre gars lui répond tout poliment, gentiment, en faisant tous les efforts nécessaires, pour lui écrire dans un anglais impeccable?!?
    Pourquoi faisons-nous comme si nous devions nous excuser de parler français, encore aujourd'hui, au Québec? Surtout, même si on nous crache en pleine face...

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2011

    '' ben no tsé cé po si grâââv ke sa si chu po capable d'écrirre le franssais à fin d'mon segondaire 5', I already speak and write fluently in English.
    Bientôt, ce sera ça le résultat, en fait, ça commence déjà à être ainsi! Félicitations au gouvernement Charest!

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2011

    La commission Larose sur l’avenir de la langue française:
    Concentrer l'apprentissage de l'anglais la moitié de la sixième année! (WTF?)

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2011

    Merci Claude,
    Excellent ton texte!
    Georges Le Gal