Le déclin de l'université québécoise

Université - démocratisation, gouvernance et financement



Qui décroche au Québec, les ados ou les adultes? Ça se voit à l'oeil nu: les Québécois ne sont pas si intéressés que ça par l'éducation.
La Presse faisait cette semaine le bilan des coûts de rénovation des universités québécoises, mal entretenues: 1,5 milliard de dollars.
Ce n'est qu'un nouvel exemple, en béton et en métal, du sous-financement des universités québécoises, singulièrement les universités francophones.
Mais qui se soucie vraiment des universités au Québec?
C'était peut-être la plus déprimante constatation du rapport Ménard, sur la «persévérance scolaire»: il y a une différence marquée entre le reste du Canada et le Québec quant à l'importance de l'éducation.
On a posé la question suivante partout au Canada: diriez-vous qu'il est extrêmement important d'assurer une bonne connaissance de la lecture, de l'écriture et des mathématiques?
La majorité a répondu «oui» à 81% au Québec... 94% dans le reste du Canada.
Autre question: diriez-vous qu'il est extrêmement important de développer une attitude disciplinée par rapport aux études? Oui, ont dit 61% des répondants québécois. C'était 80% dans le reste du Canada.
Tout part de là, sans doute...
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L'Université de Montréal semble maintenant incapable de concurrencer non pas avec Toronto ou les grandes universités américaines... mais avec McGill.
L'hiver dernier, la faculté de droit a perdu deux de ses chercheurs les plus prestigieux: Bartha Knoppers, experte des biotechnologies, et François Crépeau, spécialiste du droit international et de l'immigration. McGill leur offre non seulement de meilleures conditions, mais des fonds de recherche, un budget pour participer aux rencontres avec les meilleurs au monde ou les faire venir à McGill. Cela grâce à des donations.
On parle de deux universités québécoises, donc soumises aux mêmes limites sur les droits de scolarité. Mais la faculté de droit de McGill veut récolter 30 millions en cinq ans des sociétés et des diplômés. Quand son vis-à-vis à l'UdeM encaisse 1 million en dons, c'est une bonne année.
Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, ou bien dans les méthodes de collecte de fonds, ou bien chez les diplômés.
On a su s'inventer des riches comme on n'en avait guère il y a 50 ans. Mais pas assez de philanthropes.
En 2003, on estimait la part du financement universitaire ontarien provenant du secteur privé à 7,7%... comparativement à 3,5% au Québec. Et ce, même si les droits de scolarité sont beaucoup plus élevés en Ontario.
Il n'y a pas encore de réelle tradition de dons aux universités chez les francophones, même chez un grand nombre de ceux qui ont réussi grâce à leurs études supérieures. Manque-t-il un sens de l'appartenance? Manque-t-il la simple conviction d'appartenir à une communauté, d'être aussi le produit d'une institution qui est là pour faire avancer la société, pour la suite un peu meilleure et éclairée du monde?
S'il y a une tranche de la population, pourtant, qui devrait comprendre l'importance de l'éducation supérieure, qui devrait savoir combien cela leur a été économiquement et personnellement rentable, ce sont bien les diplômés.
On mettra sans doute sur le dos de la différence de richesse relative cet écart entre le Québec francophone et le reste du Canada, mais elle est loin de tout expliquer.
Ajoutez à cela un gel des droits de scolarité qui a été tout légèrement modifié, quelques aventures administratives désastreuses, l'intérêt très modéré des politiciens... et vous avez une recette pour le déclin intellectuel et scientifique relatif d'une nation.
Sans compter un gouvernement conservateur qui investit massivement dans les infrastructures pour relancer l'économie, mais qui comprime les dépenses en recherche fondamentale. Exactement le contraire de ce que veut faire la nouvelle administration américaine.
Non seulement les universités québécoises (sauf peut-être McGill) ne sont plus en mesure d'attirer des chercheurs internationaux de très haut calibre, mais elles en perdent.
Et quand l'Université de Montréal veut vendre un immeuble (l'ancien Mont-Jésus-Marie) à un promoteur immobilier, on l'accuse de brader du patrimoine, on voudrait la forcer à le rénover, alors qu'elle croule sous les dettes. Les écureuils sont quand même chanceux, eux au moins ont des amis. L'université? Qu'elle paye!
L'administration du recteur Luc Vinet, qui se termine l'an prochain, ressemble à un désastre, quelle qu'en soit la cause. La campagne de financement quinquennale est retardée. L'UQAM, de son côté, se relève du cauchemar immobilier qu'on sait. Et partout, on est dans le rouge...
Pendant ce temps-là, n'est-ce pas le comble de l'absurde, on voit apparaître un pavillon de l'Université de Sherbrooke... à Longueuil. C'est assez pour servir d'alibi à l'indifférence généralisée.
C'est pourtant de la jeunesse et de l'avenir du Québec qu'il est question. Ça devrait intéresser les gens d'affaires et les autres au moins autant que la vente du Canadien, me semble...


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