Les siamois

Quant au PQ, il risquerait de payer encore plus pour son ambiguïté des dernières années, laquelle contribue aussi à en persuader plus d'un de passer à autre chose... en attendant.

Droite québécoise - Force Québec


Le 12 octobre, un sondage Léger Marketing confirmait ce que j'avançais la semaine dernière. À savoir que le PQ écope plus que le PLQ à la seule mention d'une possible coalition François Legault-Joseph Facal dite de "centre droit" et mettant plus ou moins de côté la question nationale.
(Avertissement: tout cela demeure hypothétique. Avant de croire qu'ils débarqueront à la prochaine élection armés d'un parti dûment constitué, l'heure est peut-être venue de se prendre une petite camomille.)
Dans cette réaction à chaud, on voit le reflet d'un secret de Polichinelle: de moins en moins de citoyens se sentent inspirés par les deux grands partis. Mais il n'y a pas que ça...
Un "vide" à remplir par la droite?
Prenez le spin ambiant. Avouez tout de même qu'il est pas mal divertissant. Ainsi, on répète ad nauseam qu'une telle coalition remplirait un "énorme vide" au Québec dans le département des idées dites de centre droit! Vraiment?
Corrigez-moi si je me trompe, mais sous Jean Charest, le PLQ n'occupe-t-il pas déjà cette niche à plein temps pendant que le PQ, lui, siège au centre? Affirmer sans rire qu'il manque ici d'idées de centre droit, aussi bien dire qu'il manque d'eau dans le St-Laurent...
Et n'est-ce pas, dans les faits, deux "conservateurs" à la tête du Canada et du Québec? C'est ça, le "vide"?
Dire le non-dit
Récapitulons. La rumeur veut donc que ce mouvement, virtuel pour le moment, entendrait substituer l'axe droite-gauche à l'axe fédéraliste-souverainiste afin de permettre aux tenants de ces deux options constitutionnelles de travailler enfin main dans la main. Touchant, non?
Dans une [lettre adressée à André Pratte en 2007->12135], Joseph Facal voyait pourtant la souveraineté comme "l'occasion de consacrer l'essentiel de notre énergie aux autres questions pressantes que pose le monde d'aujourd'hui". En 2010, il semble prêt à inverser le principe, soit voir aux affaires pressantes en attendant la souveraineté.
Non seulement M. Facal est tout à fait libre de changer sa perspective, il est en fait loin d'être le premier péquiste connu à être tenté par ce que j'appelle un virage "en-attendantiste". Loin de là. On en trouve même parmi ceux très occupés ces temps-ci à se colleter sur cette question par médias interposés.
Mais autant qu'il y a la "galerie" des ambitieux, autant qu'au sein d'une partie de la population, on sent plutôt s'installer comme une usure.
Une usure surtout alimentée par une double impasse silencieuse sur la question nationale: celle du PLQ et celle du PQ. Une impasse que chacun se refuse bien évidemment à nommer.

Côté PLQ: depuis les échecs de Meech et Charlottetown, il a tout simplement fermé le dossier du fédéralisme renouvelé. La vraie raison: l'opinion publique du Rest of Canada, de plus en plus indifférente au Québec, y est clairement et massivement opposée.
Côté PQ: après le dernier référendum, Lucien Bouchard, obsédé par son déficit zéro, n'a pas seulement mis la souveraineté "en veilleuse", il a carrément éteint la lampe. Bien sûr, depuis, il y aura eu beaucoup de rhétorique sur le "pays" à faire, mais aussi un refus de s'engager à tenter sa réalisation sans une victoire référendaire garantie d'avance.
Bref, le PQ ne parle plus de référendum pour la même raison que le PLQ ne parle plus de renouveler le fédéralisme: une peur de l'échec devenue chronique et démobilisante. Plus le temps passe, plus les deux partis ressemblent à des frères siamois rattachés l'un à l'autre par leurs craintes non dites sur la question nationale.
Par conséquent, on pourrait dire que Legault & Facal, s'ils annonçaient qu'ils n'optent ni pour la souveraineté, ni pour le fédéralisme renouvelé, ne feraient que sortir tout ce non-dit malsain du placard.
Or, il y a anguille sous roche. Derrière ces apparences de neutralité bienveillante se cache LA bibitte politique dont tout le monde dit ne pas vouloir: le statu quo.
Car lorsqu'on gratte un peu la surface, on voit bien que ce qui serait mis de côté, dans les faits, est l'option souverainiste. Appelons-ça le "non-dit" de cet embryon de coalition.
C'est qu'on ne peut pas tout avoir dans la vie. Du moment où on se contente de faire le dos rond nationaliste, on prend le fédéralisme tel qu'il est. Mais qui, dans cette belle brochette que cuisine M. Legault, osera le dire?
Qui osera le faire aussi clairement que Justin Trudeau qui, en ondes, disait y voir "une très bonne nouvelle qu'on disassocie [sic] la politique québécoise d'une première question [sic] sur la question nationale". Sans blague?
Quand on y pense, c'est aussi une recette rêvée pour le milieu des affaires: une coalition aux idées plutôt conservatrices et s'occupant des "vraies affaires" sans parler de souveraineté. Le bonheur. Pas surprenant de voir M. Legault multiplier les rencontres avec de grosses pointures de Québec Inc.
Si jamais, un jour, cela devait se concrétiser, le PLQ paierait sûrement un prix pour avoir rendu "normale" son absence de revendications et ce, au point de se faire piquer sa propre résignation par un nouveau rival.
Quant au PQ, il risquerait de payer encore plus pour son ambiguïté des dernières années, laquelle contribue aussi à en persuader plus d'un de passer à autre chose... en attendant.
Mais à force de s'occuper en attendant, combien de Québécois risquent de finir par ne plus rien "attendre" du tout?
À suivre.


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