Retour sur "Les Embardées Suicidaires"

Chronique d'André Savard

Le texte de Claude Morin Les Embardées Suicidaires est troublant. Il affirme que le vent de folie qui s’empare du mouvement souverainiste, notamment depuis l’échec électoral du Bloc Québécois et la démission du quatuor de personnalités du parti Québécois, risque de discréditer l’indépendance comme objectif et l’affirmation de la nation québécoise comme moyen. A-t-il raison? En effet, si les indépendantistes voulaient faire de l’indépendance une promesse irréalisable, ils feraient exactement ce qu’ils sont en train de faire.
Claude Morin note les travers de cette prose indépendantiste qui laisse croire qu’en dehors du PQ se forme l’avant-garde invincible d’une mobilisation de masse. C’est quasiment une littérature de genre et le texte de Claude Morin a le courage d’en démontrer l’absurdité. Tant que cette littérature de genre est reprise par des druides et des gourous excentriques, on peut encore espérer que l’ensemble du mouvement indépendantiste va garder les pieds sur terre. Quand des indépendantistes connus comme Pierre Curzi commencent à fantasmer sur le printemps arabe et entrevoit l’aboutissement de la cause indépendantiste sous cet éclairage, là on peut se demander qui, au prochain tournant, va encore perdre la tête.
Il y a un point qui saute aux yeux au sujet de la démission du quatuor. Elle est intentionnellement hétérogène, sinon carrément contradictoire. Pierre Curzi nous annonce qu’il veut devenir chef du Parti Québécois. Aussant nous annonce la fondation d’un nouveau parti. Pour ramer à contresens, ils ont le chic. Ils disent démissionner parce qu’ils n’ont pu voter librement sur un projet de loi. Eh bien, comme première illustration du vote libre, ils n’ont pas peur des extrêmes.
Madame Lapointe clame au cours de la conférence de presse que prendre le pouvoir n’est pas tant ce qui compte. Étrange d’entendre cela quand un gouvernement en troisième mandat croule sous les histoires cachées de corruption. Et Louise Beaudoin de reprendre le refrain d’une politique faite autrement, fondée sur l’accord libre, débarrassée de la cuirasse des partis.
Il y a des années que Jean Charest refuse une commission d’enquête sur l’industrie de la construction. Étrange d’entendre tout à coup les divas démissionnaires prêcher une opposition consensuelle hors des mots d’ordre des partis, ouvertes sur plusieurs fidélités. Dans le contexte présent, il ne fallait pas s’attendre à ce que la chef de l’opposition chante : À chacun sa chanson. Certes elle aurait pu autoriser d’emblée le vote libre sur un projet de loi mais donner de la voix au mécontentement de la population lui interdisait le style guimauve fondant. 80% de la population réclamait et réclame toujours une commission d’enquête.
Dans la foulée de la fondation d’Option Nationale par monsieur Aussant, il est annoncé que le nouveau parti prônera un rapatriement des impôts. Aussitôt dit, les antipéquistes, dans le bel effort d'autodestruction qui va devenir l'image de marque de l'indépendantisme québécois, commencent à le houspiller. Les gourous y voient une amélioration du statut du Québec, la possibilité de se faire dire non par Ottawa, une émancipation hypothétique à l’intérieur du système, des thèmes par rapport auxquels ils sont allergiques, y voyant un détournement par rapport à la cause. On le sait, la Cause doit abandonner toute affaire de succès à l’intérieur du système et trouver son théâtre d’opération dans la stratosphère.
Le danger alors, c’est de voir les indépendantistes n’assumant plus de responsabilité envers l’Etat québécois réel. Où seront alors les politiciens québécois qui veulent que le gouvernement national des Québécois rencontre le programme nécessaire à ses fonctions? Claude Morin a tout à fait raison de prôner un mouvement indépendantiste responsable de la gouverne québécoise et qui veut faire croître ses institutions.

« Enfin, aveuglement volontaire ou crispation idéologique, écrit Claude Morin, les jusqu’auboutistes véhéments sont en train de se fabriquer un absurde monument « patriotique » peu susceptible de les glorifier. La disparition de l’outil collectif qu’est le PQ, ajoutée à la faillite simultanée de leurs plans absolutistes, alimenterait l’idée défaitiste que l’affirmation québécoise, quelles qu’en soient les modalités possibles, n’a décidément plus d’avenir. Ils auront ainsi fait cadeau aux adversaires de l’émancipation québécoise, qui n’en demandaient pas tant, des «conditions gagnantes » dont ceux-ci rêvent depuis des décennies. Celles qui leur fourniront l’ultime chance, via des astuces juridico-politiques estimées légitimes, les Québécois ayant une troisième fois rejeté le « séparatisme », d’en finir avec notre ethnie récalcitrante en lui verrouillant une fois pour toutes les voies de l’avenir. Reprise, en pire, des manœuvres consécutives aux référendums perdus en 1980 et 1995. »

Devant cette assertion, ce fut le branle-bas sur cette tribune. On refuse de considérer les recours du Fédéral, ce que Claude Morin nomme les « astuces juridico-politiques ». Un autre chroniqueur parlait même « d’épouvantails ». D’où vient ce nihilisme? Sous prétexte que les indépendantistes veulent sortir le Québec du système, on voit que plusieurs tracent le cheminement de la cause indépendantiste sur une route parallèle, une quatrième dimension où la volonté du peuple gonfle comme rivière inatteignable, sourde aux menaces, hors des partis, transcendant les conditions limitées.
Non seulement voient-ils l’avenir comme un schéma dans la stratosphère, même le passé entre dans une sorte de psycho-histoire qui n’a plus d’assise dans le réel. [...]
Et puis après? La reconnaissance internationale, le respect de la règle de succession des Etat par le Fédéral, tout cela ce sont des épouvantails? Autre exemple de psycho-histoire, Pierre Schneider attribue les contraintes imposées par un pouvoir abusif par des « trahisons » survenues dans la passé. Pierre Bourgault aurait été déjoué, a-t-il écrit sur ce site, alors qu’il s’apprêtait à « répondre à l’appel de Daniel Johnson et à son projet républicain au lieu de se faire avaler par le parti de René Lévesque et de Claude Morin. »
On est visiblement dans le plus pur fantasme. Daniel Johnson n’était pas indépendantiste et Claude Morin alors sous-ministre ne se joindra au PQ qu’au début des années soixante-dix. C’est beau être poète mais si on veut prendre avec le passé des libertés de vrai maître du merveilleux, c’est mieux de prévenir le lecteur. Surtout si on s’appuie sur la fiction pour distribuer des accusations de traîtres.
Le danger à présent, c’est que les indépendantistes se mettent à vivre dans leurs idées comme quelqu’un dans une maison imaginaire qu’il a meublée à son goût. Arrive un moment où cette personne ne domine plus ses meubles mais ses meubles lui dictent sa conduite et l’empêchent de déménager. On peut alors rêver de vrais libérateurs de peuple qui communiquent avec les vraies forces populaires, possédant le pouvoir absolu, transcendant les conditions du réel.
André Savard


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3 commentaires

  • Luc Archambault Répondre

    28 septembre 2011

    « Les conséquences seront tragiques pour le PQ mais, je le répète, pas nécessairement pour "l’Option Nationale". »
    Encore faudrait-il que l'Option nationale puisse faire MIEUX que le ± 20% du PQ actuel qui a pris le risque de l'éclatement en refusant de tenir compte du résultat du 2 mai après avoir adopté un programme qui n'est plus d'actualité compte-tenu de ce résultat survenu quelques jours après son adoption en avril... car à quoi bon sinon ! ? Piétiner doté d'un pareil résultat tout en assurant ainsi, faute d'UNION, l'élection de la fausse Coalition SIROIS/Legault !?
    En fait, vaudrait tout de suite mieux APPELER à voter pour cette fausse Coalition SIROIS/Legault, ce serait plus claire, si c'est objectivement ce dont on est prêt à s'accommoder après les prochaines élections, sous prétexte qu'on pourra dans l'Opposition préparer la venue d'un Grand soir toujours repoussé au lendemain qui chante.
    Nous aurons l’occasion d’en débattre mais la politique de gouvernance provincialiste du PQ sera dénoncée de sorte qu’à la prochaine élection, il sera clair que la madame-en-question aura été le plus grand éteignoir de notre cause.
    En quoi donc le fait d'élire la fausse Coalition SIROIS/Legault est porteur de lumière ? En quoi n'est-il pas encore-là question d'éteindre TOUTE lumière nous permettant de mettre VRAIMENT fin à la gouvernance collabo d'un État qui NIE la primauté DÉMOCRATIQUE de l'effective souveraineté du peuple.
    Alors arrêtez de culpabiliser ceux et celles qui sont les victimes de la soif irrépressible du pouvoir de certains petits carriéristes péquistes.
    Comme si le PQ dans son entier n'était composé que de carriéristes péquistes. Car c'est bien la députation du PQ, la nomenklatura du PQ, les membres du PQ réunis en CONGRÈS NATIONAL ont voté pour la gouvernance collabo provincialiste qu'il nous faut mettre de coté. Le PQ comme tous les partis, mettent de l'avant une gouvernance collabo. Option nationale comprise. C'est donc tous les partis qu'il faut convier à rompre d'avec elle qui sévit ici depuis 252 ans, ce, AVANT les prochaines élections. Pour que TOUS les partis prétendus SOUVERAINISTES, le soient VRAIMENT.
    Cela, en cessant de contredire l'effectivité de la souveraineté DÉMOCRATIQUE du peuple. Ce que prévoit encore contredire l'Option nationale elle-même puisqu'elle ne prévoit toujours pas elle non plus INVALIDER l'État ILLÉGITIME actuel tant et aussi longtemps qu'elle ne prendra pas le pouvoir, tant et aussi longtemps que rendue au pouvoir ne pourra être fondé l'État souverain.
    Tant et aussi longtemps que Jean Martin Aussant ne voudra pas mettre au pouvoir une VRAIE Coalition nationale pour battre la FAUSSE Coalition SIROIS/Legault, le petit carriérisme triomphera, à commencer par le sien propre.
    PÉTITION pour COALITION NATIONALE - Démocratie et Souveraineté du Québec.
    Une VRAIE Coalition MULTIPARTITE trans-partisane, trans-idéologique, trans-générationnelle et trans-culturelle CAPABLE de mettre fin à la division de nos forces et capable de faire l'UNION des forces démocratiques citoyennes et politiques du peuple Souverain du Québec.
    Quel est le problème ? Pourquoi encourager la division ? Sinon pour assurer la victoire de la gouvernance collabo qui a cours depuis 252 ans.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 septembre 2011

    Je limite au possible mes interventions dans ce débat, puisqu'il est plus que fastidieux de débattre quand l'irrationnel se prétend rationnel, donc juste en soi.
    Le Québec vit une crise politique globale qui frappe le citoyen de plein fouet, ce qui accentue un désabusement qui n'a cessé de croître depuis une bonne quinzaine d'années. Le mouvement souverainiste en est l'une des premières victimes. Conséquence de tout cela: notre capacité collective de construire notre État-nation s'en retrouve réduite d'autan.
    Pourtant, entre le Grand Soir et la réalité concrète du moment présent, il y a fort à faire. Et c'est justement ce «fort à faire» qui hérisse les fabulateurs du jusqu'au-boutisme. Le PQ est fini, dit-on, il est collabo, fédéraliste non avoué, la gouvernance souverainiste est un leurre que la population rejette, etc. QS y goûte aussi, et pas à moitié. À entendre certains, les citoyens ne veulent qu'une chose: l'indépendance. Mais jamais on ne nous explique pourquoi ce même citoyen vote NPD et pourquoi il s'apprête à soutenir Legault, alors que selon certains, c'est parce que le PQ et QS ne sont pas ouvertement indépendantistes. Je regrette, mais je décroche quand j'entends cela.
    Je déteste les querelles inutiles. La chicane actuelle me rappelle la haine qui existait dans les années '70 entre les marxistes-léninistes (stalino-maoïstes)entre eux, et ces derniers envers les trotskystes, qui eux aussi se déclinaient en chapelles toutes plus pures les unes que les autres. Que de temps, d'énergie et de plastronnage il aura fallu pour enfin aboutir à la création de QS! L'analogie paraîtra boiteuse à plusieurs, mais il me semble que le mouvement vit la même chose aujourd'hui.
    N'oublions pas qu'il y a quelques mois à peine, les sondages donnait le PQ gagnant, et quand on additionnait les intentions de vote pour le PQ à celles de QS, on arrivait à un résultat combiné de 42-43%. D'où ma position de défendre l'idée d'une coalition proposant un programme commun digestible et réaliste, axé entre autres sur la nécessité de consolider les assises de la nation et de renforcer son État. Jeter dehors Charest, compliquer la vie à Legault. Offrir aux citoyens une voie concrète vers le changement.
    Mais le PQ ne déroge pas: la coalition ne fait pas partie de ses plans, sa certitude d'être LA solution n'est pas remise en cause, son refus de se confronter au fédéral alors que le Bloc râle ses derniers râlements, etc. Idem chez QS, qui souhaite sans doute profiter de la débandade du PQ et du soutien des Québécois au NPD pour raffernir sa présence sur l'échiquier politique québécois. Cela attise mon cynisme, et c'est peu dire!
    Faire fi de cette impasse en proposant de remplacer Pauline Marois par un autre chef? Fonder un nouveau parti dont la pureté indépendantiste ne saurait être remise en question?Démoniser à outrance QS parce que crypto-fédéraliste et néo-marxiste? Proposer aux élections une slate d'indépendantistes sans parti? Souhaiter la désintégration de ce qui existe en affirmant sans rire que des décombres fumants naîtra une force indépendantiste irrésistible? Tout ça en essayant de convaincre que la vraie affaire, c'est seulement l'indépendance, quand notre obligation est de nous battre sur tous les fronts, tous sans exceptions? Bravo, on se précipite sur les lances de l'ennemi sans armures! Vive les martyres!
    Alors que faire? Plusieurs choses qui exigeront du temps. Le PQ doit prendre acte de la conjoncture actuelle. Il lui faudra prendre le temps, et il y aura des grincements de dents. La fuite en avant du Bloc, avec sa course à la chefferie, est la preuve de la difficulté de ce parti de comprendre le sens réel de son existence. Il faudra du temps, là aussi, avant d'accepter l'inéductable : 1995 est loin derrière nous. QS devra procéder à un sérieux examen de conscience sur bien des plans. Construire le mouvement via la société civile m'apparaît essentiel. Prendre le temps de mettre sur pied des États généraux, cela avec les moyens qu'on aura, à défaut du soutien de l'État. On ne doit viser qu'une chose: la convergence vers la construction de notre État, et cela englobe tout.
    Le véhéments me trouveront pénibles, défaitiste, qui ne saisit pas les impératifs d'une urgence sur laquelle - et j'insiste - ils n'ont pourtant aucune prise. Aucune, sauf celle d'attiser la division sectaire qui ne servira objectivement qu'à renforcer le nation building canadian.
    Voilà, monsieur Savard, le résultat de votre chronique: ma perception diffère un peu de la vôtre, mais sur le fond nous pourrions nous entendre, mais je n'ai pu résister à la tentation de m'opposer aux solutions magiques et à ceux qui veulent faire encore plus de ce qui ne fonctionne pas.
    Cordialement

  • Archives de Vigile Répondre

    28 septembre 2011

    Je comprends bien votre déception M. Savard mais le PQ n’a qu’à s’en prendre à lui-même. C’est la madame-en-question qui a fait le ménage dans ses rangs en repoussant les vrais indépendantistes. Que la balayeuse finisse par avaler la ménagère n’est qu’un juste retour des choses. Les conséquences seront tragiques pour le PQ mais, je le répète, pas nécessairement pour "l’Option Nationale". Nous aurons l’occasion d’en débattre mais la politique de gouvernance provincialiste du PQ sera dénoncée de sorte qu’à la prochaine élection, il sera clair que la madame-en-question aura été le plus grand éteignoir de notre cause. Alors arrêtez de culpabiliser ceux et celles qui sont les victimes de la soif irrépressible du pouvoir de certains petits carriéristes péquistes.
    Je pense, par ailleurs, que M. Jean-Martin Aussant trouve le moyen de d’exprimer beaucoup plus justement le sentiment et les préoccupations des québécois. En voici un exemple :
    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=lzLRTqFIqCk