Pauline Marois avoue qu’elle a mal géré le dossier de l’amphithéâtre.
Photo : Clément Allard - Le Devoir
Québec — Jean Charest a mis un coup d'arrêt à la guerre de l'amphithéâtre, hier, en reportant à l'automne la décision sur la sécurisation de l'entente Labeaume-Quebecor. «On n'a pas l'intention de faire un bâillon là-dessus», a laissé tomber le premier ministre, dont le caucus aurait exprimé récemment beaucoup de réticences à l'égard de ce projet de loi.
La question a toutefois eu le temps de faire encore d'importants dommages collatéraux au Parti québécois puisque le député de Nicolet-Yamaska, Jean-Martin Aussant, a démissionné de manière fracassante, demandant même à Pauline Marois de céder sa place puisqu'elle ne pourra pas faire la souveraineté.
Tentant de rester stoïque, la chef péquiste, au terme de quelque quatre heures de discussion lors d'un caucus de crise avec ses 48 députés, a soutenu qu'elle avait effectivement mal géré le dossier de l'amphithéâtre. «J'admets que j'ai commis une erreur au départ», a-t-elle déclaré hier en sortant du caucus des députés, expliquant qu'elle aurait dû consulter son caucus avant d'autoriser sa députée Agnès Maltais à présenter un projet de loi privé pour protéger l'entente de principe Quebecor-Labeaume. «C'est la première fois que ça arrivait en quatre ans que nous n'avions pas de débat avant la présentation d'un projet de loi. Alors là, je ne croyais pas honnêtement que ça allait prendre l'ampleur que ça a pris. Faut que je sois bien franche», a-t-elle soutenu.
Mme Marois a raconté que son caucus avait auparavant accepté 25 lois du même type dans le passé. «Je ne pouvais pas imaginer que cette fois-ci on serait en désaccord», a-t-elle argué. L'ampleur prise par l'affaire est surprenante, mais s'explique à son sens par le fait que certains citoyens à travers le Québec sont opposés à la construction d'un amphithéâtre financé par des fonds publics alors que d'autres «sont contre Quebecor, il y a des gens qui n'aiment pas M. Labeaume, alors il y a toutes sortes de choses qui sont entrées en jeu».
Un vote libre?
Des députés, dont Claude Cousineau (Bertrand) et Sylvain Pagé (Labelle), ont répété hier qu'ils souhaitaient obtenir la liberté de ne pas voter pour toute loi qui sécuriserait l'entente Quebecor-Labeaume. Ils étaient prêts à accepter de s'abstenir ou encore être simplement absents au moment du vote. Au terme des discussions, en milieu d'après-midi, M. Cousineau a soutenu que Mme Marois avait évolué sur la question et soutenait avoir eu l'assurance qu'il ne serait pas contraint de voter pour le projet de loi. Mme Marois, elle, s'est bornée à dire que c'était «une hypothèse qui est envisagée, que nous regardons actuellement». Son entourage craint que près de la moitié du caucus s'absente lors d'un éventuel vote sur la question.
Du reste, les quatre élus de l'Action démocratique du Québec n'ont pas réussi non plus à s'entendre sur une position commune sur le projet de loi 204 hier, si bien qu'ils ont décidé, à l'issue de leur réunion du midi, que sur cette question, ils voteraient «selon leur conscience», si jamais c'était nécessaire.
Sortie de Drainville
À l'entrée du caucus péquiste, le député Bernard Drainville avait lui confié son «profond malaise» avec le projet de loi 204. Réagissant aux trois démissions de la veille, il a soutenu qu'il valait mieux «changer» le PQ «de l'intérieur», après quoi il a laissé entendre que la chef prenait trop de place et occultait son équipe. À ses yeux, le PQ a du mal à faire passer son message: ce qui perce dans l'espace public, ce sont souvent ses critiques et non ses propositions. Il a soutenu qu'il fallait repenser l'approche à l'égard de la souveraineté. Lorsqu'on lui a soumis ce commentaire, la chef péquiste a semblé exaspérée et a rappelé que le parti venait d'adopter son nouveau programme en avril. «Combien ça fait de temps, ça? Un mois, un mois et demi?» a-t-elle lancé. «Je vais présenter dans les jours qui viennent un plan de match [sur la souveraineté] pour que l'on se mette en marche», a-t-elle assuré.
Une attaque frontale
Malgré tout, Jean-Martin Aussant, en matinée, a soutenu que Mme Marois, «actuellement, dans la population au sens large, n'a pas assez de tirant auprès de la population pour qu'on puisse faire un référendum gagnant avec elle».
Contrairement à ses collègues Lapointe, Curzi et Beaudoin, qui ont quitté le caucus lundi, sa décision de s'en retirer n'est pas principalement motivée par le dossier de l'amphithéâtre. Il a tout de même souligné ne pas avoir aimé la manière dont son parti avait fait les choses dans ce dossier.
M. Aussant a expliqué être entré en politique en 2008 d'abord pour «convaincre ses concitoyens que le Québec a tout à gagner à devenir un pays souverain», et ensuite pour «faire au plus vite de la politique différemment». Après trois ans d'efforts, il a dit se «rendre à l'évidence qu'il est difficile d'y arriver quand les personnes qui sont aux commandes, tous partis confondus, ne partagent pas cette vision des choses».
Selon lui, l'entourage de Pauline Marois cherche à faire de la politique de la même manière que Jean Charest. Se trouvant souvent en délicatesse avec les décisions de son caucus et de la direction du parti, M. Aussant a dit choisir de claquer la porte plutôt que de devenir un éternel «élément perturbateur». Il a en a appelé à un renouveau de la politique au Québec, laquelle souffrirait du poids de la partisanerie à tout crin. Selon lui, le principal responsable du marasme politique actuel est le premier ministre Jean Charest. Il en a appelé à l'indignation des élus libéraux: «Levez-vous et décriez aussi ce qui ne fonctionne plus chez vous. C'est le système au complet qui doit être revu et votre parti est le plus encrassé de tous. Ôtez vos bâillons et sortez du rang!»
Gros ego
Les trois démissions péquistes de la veille ont continué hier de susciter moult commentaires. Ancien président du PQ jusqu'en avril (et ancien député de Joliette), Jonathan Valois s'est attaqué durement aux démissionnaires sur les ondes du 98.5. «On est dans ce qui ressemble à un putsch déguisé de certains députés qui eux, pour leur nom, pour leur carrière, au nom de leur réflexion, ont décidé d'abandonner le groupe», a pesté ce partisan inconditionnel de Mme Marois. Pour certains péquistes, s'indigne-t-il, Mme Marois n'a été qu'une «femme de ménage»: «Merci d'être venue, d'avoir replacé les choses, mais pour la suite, vous ne semblez pas être la personne de la situation!» Pour lui, Pierre Curzi et Lisette Lapointe étaient trop imbus d'eux-mêmes pour faire de la politique: «J'ai eu à composer dans tout le dossier de la langue avec monsieur Curzi et c'était pas simple tous les jours. [...] Tous les jours, j'avais une lettre de démission prête [...] si on n'était pas aussi passionné que lui sur les questions de la langue.» Même chose avec Lisette Lapointe, a-t-il soutenu, ajoutant que Mme Marois avait été «plus que conciliante» avec ces «gros ego».
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Avec la collaboration d'Isabelle Porter
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