Boisclair prend ses distances du programme du PQ

«Au-delà de l'analyse fine du texte, il y a des réalités politiques», dit le chef péquiste

Crise de leadership au PQ


Rivière-du-Loup -- Alors que la perspective d'élections hâtives agite la députation péquiste, le chef du Parti québécois, André Boisclair, prend pour la première fois certaines distances par rapport au programme de son parti, adopté en mai 2005.


«Au-delà de l'analyse fine du texte, il y a des réalités politiques. Et moi, je suis un fiduciaire, comme chef de parti, de l'atteinte de ses objectifs», a indiqué André Boisclair au cours d'un point de presse tenu à la clôture de la réunion du caucus de ses députés. «Les grands objectifs l'emporteront sur l'analyse fine.»
Le chef péquiste ne respectera pas la lettre du programme, qu'il trouvait pourtant «fantastique» et auquel il se disait lié. Ainsi, divers engagements que contient le programme et que le PQ devait remplir avant les prochaines élections seront abandonnés ou reportés.
Le programme du parti prévoit notamment qu'avant les prochaines élections, le PQ doit formuler des politiques nationales sur la base du cadre financier d'un Québec souverain. Il doit préparer un plan de transition vers la souveraineté ainsi que la constitution initiale du nouveau pays.
Or, sur la planche à dessin du parti, on ne retrouve pas les brouillons de ces austères documents mais bien l'ébauche de la prochaine plate-forme électorale. Pour un parti qui fourbit ses armes en vue d'un rendez-vous électoral, il s'agit sans doute là d'une tâche plus pertinente.
En outre, dicte encore le programme, le PQ doit se lancer, avant les prochaines élections, dans un exercice d'éducation de la population à propos de la souveraineté et diffuser des documents au grand public pour appuyer cette campagne, deux actions dont on ne voit pas poindre l'ombre du commencement.
«Le fardeau de la preuve aujourd'hui n'appartient pas aux souverainistes mais il appartient aux fédéralistes», estime André Boisclair. Le chef péquiste ne veut pas s'imposer «un fardeau de preuve qui serait dix fois plus grand que celui qu'on impose aux fédéralistes». Vingt-cinq ans après l'adoption de la première motion de l'Assemblée nationale s'opposant au rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne, M. Boisclair déplore que le gouvernement Charest ignore le dossier constitutionnel. Jean Charest est en voie de devenir «un des seuls, si ce n'est le seul des premiers ministres du Québec qui n'a jamais déposé de demandes constitutionnelles», a-t-il souligné.

«M. Charest devra dire aux Québécois quelles sont les conditions gagnantes pour qu'il ouvre à nouveau le débat constitutionnel», a sommé M. Boisclair. «Ce sont eux [les fédéralistes] qui seront sur la défensive.»
À Québec, le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, a répliqué aux propos du chef péquiste en l'accusant de manquer à son «devoir de transparence». Selon le ministre, M. Boisclair a «le devoir de mettre les chiffres sur la table, les vrais chiffres. Il a le devoir de mettre les vrais faits sur la table».
Aux yeux de M. Pelletier, le chef péquiste tente de prendre ses distances d'un programme qui s'est radicalisé.
Quant à la question constitutionnelle, M. Pelletier a soutenu qu'il n'était pas en faveur du statu quo. «Ce n'est pas une vieille histoire, c'est encore un enjeu», a-t-il dit. Mais pour l'heure, M. Pelletier parle de forger une «culture du succès» en politique québécoise sous forme d'ententes administratives. «Une fois le déséquilibre fiscal réglé et une fois, donc, que nous aurons aussi avancé dans le dossier du pouvoir fédéral de dépenser, nous aurons accompli énormément, et la population va pouvoir juger de notre bilan à l'occasion de la prochaine élection», a-t-il dit.
Le ministre Pelletier note par ailleurs que «le mot "constitution"», qui a «souffert d'un tabou», est en voie de réhabilitation, comme le démontrent certaines déclarations de Stephen Harper et de Michael Ignatieff.
De son côté, le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, estime que M. Boisclair s'éloigne des engagements de transparence pris par son parti. Il estime en outre que tous les partis ont le fardeau de la preuve quand il est question de convaincre l'électorat. «La faiblesse du gouvernement Charest ne dédouane ni le PQ ni l'ADQ», croit Mario Dumont.


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1 commentaire

  • Luc Bertrand Répondre

    10 octobre 2006

    Est-ce qu'un jour on pourra savoir à quoi s'en tenir si l'on pense voter pour le Parti Québécois? Quand André Boisclair cherche à se dérober de questions embêtantes, il se cache derrière le programme du Parti Québécois. Lors de la course à la direction du PQ, il brandissait fièrement ce programme et se proclamait le "fiduciaire" pour le faire respecter. Et pourtant, Jacques Parizeau avait fait savoir que ce programme était rempli de "niaiseries". Aujourd'hui, sous prétexte de "finesses dans le texte" et de stratégie, il veut s'en dissocier.
    Ce n'est pas de cette façon que le Parti Québécois va reprendre le pouvoir, d'autant plus que son nouveau chef n'a jamais voulu reconnaître les erreurs qui ont causé la défaite du parti en avril 2003. En effet, c'est essentiellement l'abstention de centaines de milliers de ses sympathisant(e)s à se présenter aux urnes qui explique cette défaite. Et pourtant, qui ne se souvient pas que c'est sous le règne de Lucien Bouchard et de Bernard Landry (pendant lequel André Boisclair était ministre) que le gouvernement du Québec a envoyé à la retraite des milliers de médecins et d'infirmières, fermé des hôpitaux, aboli la nécessité pour les jeunes de suivre un cours de conduite pour obtenir un permis de conduire, fusionné de force des municipalités, etc. Le pourquoi de toutes ces mesures d'austérité? L'atteinte illusoire du déficit zéro, alors que le gouvernement péquiste savait très bien que le gouvernement fédéral avait pelleté son déficit dans sa cour (compressions dans les montants de transfert) et que s'entêter à vouloir continuer à gouverner dans ces conditions ne pouvait que faire le jeu des fédéralistes. En effet, si le gouvernement échouait, la population avait beau jeu pour le traiter d'incompétence alors que s'il réussissait, il démontrait par le fait même qu'il était possible de fonctionner en tant que province du Canada, donc que la souveraineté n'était pas nécessaire. Aujourd'hui il a beau chercher à déchirer sa chemise pour accuser les libéraux de mal gouverner, il n'est même pas prêt à rappeler les lois spéciales adoptées sous baillon par Jean Charest (comme celle de la sous-traitance) à la fin des sessions parlementaires de décembre et juin dernier. Après cela, M. Boisclair se demande pourquoi la population est aussi méfiante envers lui? Feriez-vous un chèque en blanc à un chef de parti aussi peu crédible, maladroit (pour avoir indiqué de façon peu subtile la porte de sortie à Pauline Marois, Nicole Léger, Jean-Pierre Charbonneau et invité les autres mécontent(e)s à quitter), insensible, arrogant et incohérent? Bien sûr, on peut dire que Jean Charest est encore au pouvoir après avoir fait pire, mais force est d'admettre que le PQ est très mal parti pour donner la confiance nécessaire pour faire le pays du Québec, surtout dans la conjoncture politique actuelle.
    Au risque de me répéter par rapport à d'autres interventions, je ne suis pas sûr qu'André Boisclair gagnerait même une majorité simple s'il devait y avoir un vote de confiance dans son propre parti, à moins qu'il ait déjà réussi à faire partir ce qui restait de matière grise dans le mouvement souverainiste. Malheureusement, même si la population acceptait de prendre le risque de lui faire confiance, son peu d'humilité et sa hantise de la dissidence risquent de faire perdre tout ce qui restait de crédibilité dans le PQ.

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