Il faut lever son chapeau devant Christian Dufour pour son intervention à l’émission de Christiane Charrette (1er mars) et [son texte dans Le Devoir (5 mars)->35738] dénonçant comme « mesure excessive et dangereuse » la décision du gouvernement Charest de bilinguiser intégralement la 6e année.
On salue en particulier les propos suivants :
« Joue également une idéologie du bilinguisme intolérante qui, indépendamment de la réalité québécoise et des contraintes de notre environnement nord-américain, veut imposer une nouvelle norme; désormais TOUS les Québécois doivent être bilingues par principe sous peine de ne pas être mondialisés, modernes et ouverts. Ne parler que le français devient la marque d’un statut inférieur ».
Avec raison, Dufour a souligné l’impact dévastateur d’une telle mesure sur les jeunes francophones et les jeunes issus de l’immigration dans l’environnement déjà fortement bilingue de Montréal et de l’Outaouais.
Le premier ministre Charest a déclaré qu’une telle mesure aurait pour résultat de réduire le nombre d’inscriptions des jeunes francophones et allophones au cégep anglais, parce qu’ils auraient déjà une maîtrise de l’anglais. C’est tout le contraire qui va se produire.
Les études de l’Irfa ont démontré que ces jeunes ne s’inscrivaient pas au cégep anglais pour apprendre la langue, mais qu’au contraire cette démarche s’inscrivait dans un parcours où les prochaines étapes étaient l’université anglaise et un emploi en anglais.
Dufour doit aller plus loin
Nous avons levé notre chapeau à Dufour, mais nous aimerions faire plus : le lui lancer pour marquer notre complète approbation! Cependant, nous jugeons que la portée de sa critique est affaiblie par son adhésion au principe de la « nette prédominance du français ».
Ce principe, indéfinissable (qu’est-ce qu’une « nette prédominance »? 60%? 70%?) et indéfendable, est absent de la Charte de la langue française, dont les deux principes de base sont le français, langue officielle, et le français, langue commune.
Le principe de la « nette prédominance du français » est tiré de l’arrêt Ford de 1988 de la Cour suprême du Canada qui invalidait l’unilinguisme français dans l’affichage. Par la suite, la Commission Larose lui a donné ses lettres de noblesse et Jean-François Lisée l’a instrumentalisé, au point où il chapeaute la section sur la langue de la Proposition principale du Parti Québécois en vue de son congrès de 2011.
Nous invitons Christian Dufour à abandonner ce concept, qui légitime le bilinguisme, et à revenir au principe de base de la Loi 101 : le français, langue commune.
Vieille ruse de Sioux de Gérald Larose
Il était ironique d’entendre Gérald Larose, lors du débat qui l’a opposé à Christian Dufour, à l’émission de Christiane Charrette, affirmer que l’anglais n’était pas une « langue identitaire » pour les francophones et que le principe de base de la Charte de la langue française était « le français, langue commune » avec des « exceptions pour l’anglais ».
C’est la position que nous soutenons. C’est celle de la Loi 101. Mais ce n’était pas celle de la Commission qu’il a présidé. Le plan d’aménagement linguistique que proposait la Commission Larose s’articulait autour des principes suivants :
1. Le français est la langue officielle et commune de la vie et de l’espace publics du Québec;
2. L’anglais, l’inuktitut et les langues amérindiennes, partie intégrante du patrimoine culturel et linguistique du Québec, doivent avoir chacune leur place dans l’espace public;
3. Les différentes langues s’harmonisent dans la vie et l’espace publics selon le principe de la nette prééminence du français, langue officielle et commune du Québec. (Nous soulignons, p. 29)
De plus, dans son rapport préliminaire, la Commission Larose nous incitait à
« rompre définitivement avec l’approche historique canadienne qui divise l’identité québécoise suivant une ligne ethnique : la canadienne-française et la canadienne-anglaise » et les commissaires invitaient, dans leur Rapport final, la « société québécoise à ne plus percevoir la langue anglaise comme objet de concurrence, mais comme une corde de plus à son arc et comme un mode d’accès à une composante majeure de son identité » (Nous soulignons).
Nous nous réjouissons d’entendre Gérald Larose réfuter aujourd’hui des pans entiers du Rapport de la Commission qu’il a présidé. Mais nous aimerions qu’il le fasse ouvertement et non pas en empruntant cette vieille ruse de Sioux qui consiste à reculer dans ses pas pour brouiller les pistes.
Photo : telequebec.tv
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