L'enjeu masqué

Retrouver ce message à l’état implicite ou explicite jusque dans les campagnes publicitaires des fabricants de pneus et de beignes démontre l’omniprésence de l’activisme unitaire au Canada.

Chronique d'André Savard


Peut-être avez-vous remarqué les publicités de Canadian Tires, Tim Horton et Air Canada. Tout à coup, comme Québécois, nous sommes unis et confondus à la nation canadienne en vertu de phénomènes disparates comme le hockey sur glace, le pelletage, le ratissage des feuilles en automne et la cuisson sur charbons de bois même par temps gris. Le climat et les espaces feraient de nous un “peuple qui ne se laisse pas intimider”.
Si on parle de la nation québécoise, aussitôt on crie à la bête identitaire. Par contre, la nation canadienne qui fait entrer la nation québécoise dans une large juxtaposition juste pour en prouver l’unité et l’identité avec elle-même, serait une victoire contre les bornés. Retrouver ce message à l’état implicite ou explicite jusque dans les campagnes publicitaires des fabricants de pneus et de beignes démontre l’omniprésence de l’activisme unitaire au Canada.
L’amour des beignes, du barbecue sous les averses et des pneus, qu’importe, on partage un seul espace et on célèbre nos dénominateurs. Les compagnies canadiennes axent leur campagne publicitaire sur la recherche d’un principe unique. À cet égard, elles se font les porte-voix du régime.
En cette période de campagne électorale, on se fera dire que le problème c’est l’isolationnisme du Québec. Il n’élit pas des représentants qui discourent comme une pub de Canadian Tires ou d’Air Canada.
Et il n’y a pas lieu de s’y sentir incité à vrai dire. Juste avant le déclenchement des élections, une figure majeure du gouvernement conservateur annonce qu’il fera campagne contre les intérêts du Québec. Drôle de façon d’illustrer la rhétorique de Canadian Tires. Étrange que la déclaration de Peter Mackay n’ait scandalisé personne au Québec. Elle ne s’est pas même mérité une réplique comme s’il était de bonne guerre de favoriser le “pays” au détriment du Québec.
Faire campagne contre les intérêts du Québec passe très bien. Ce déploiement contre le Québec joue en faveur du Canada, dit-on. Vouloir à coups de milliards une voie de contournement pour convoyer l’électricité du Labrador par la voie maritime se réclame de la “pensée de l’ensemble” versus le particulier.
Tout Québécois candidat sous la bannière d’un des partis unitaristes canadiens dira qu’il ne faut pas comprendre à partir de soi-même. Il dira que la pensée de l’ensemble dicte de mettre à l’avant plan les nouvelles politisations, celles qui supplantent le Québec comme enjeu. En fait, tout ce qui peut dévier l’attention de la question nationale québécoise en tant qu’enjeu est jugé comme favorable à la « pensée de l’ensemble ».
Il n’y a pas de différence entre le discours d’une personne d’origine québécoise ou un autre au sein des formations politiques unitaristes. Ils seront là pour présenter un front uni. Tous se confondront avec la machine fédérale et ils épouseront les justifications, prononceront tous les blocs du discours unitaristes, prétextant qu’ils sont en train de lutter contre le repli sur soi. Il importe peu que cette personne confondue avec la machine se nomme Jean Chrétien, Lawrence Cannon, Josée Verner ou Justin Trudeau.
Au lieu de répondre à Mackay, le gouvernement québécois a préféré plaider contre Vigile, pressant l’opposition de le considérer comme un site à vocation antisémite. C’est un grand manque de la part du gouvernement. Le devoir de représentation de tous les citoyens du Québec doit dépasser les objectifs politiques des partis.
Le gouvernement québécois a des devoirs d’équité envers tous ceux qui veulent contribuer honnêtement à la cause publique. À moins d’admettre contre l’évidence le présupposé selon lequel les acteurs de Vigile partagent des convictions antisémites et en font la promotion, il est criminel de tous les associer à cette mouvance.
Autant il est noble de lutter contre l’antisémitisme, autant il est odieux de l’exploiter pour salir des réputations. Le gouvernement vise carrément des bénéfices politiques qui n’ont rien à voir avec cette lutte. Comme d’habitude, ce n’était pas l’importance historique des événements qui a mu les réactions du gouvernement. Le gouvernement Charest a préféré l’aveuglement et la sensation.
[Le Devoir publiait un texte du sénateur Rivest qui y déclarait que les propositions faites au Québec étaient nulles de la part des grands partis unitaristes->36347], libéraux, conservateurs et NPD. On se serait attendu, en guise d’appui, qu’un ministre du Québec parle de la singularité du Québec et dénonce tous ceux qui recherchent l’aveuglement sur la question québécoise. Mais le gouvernement du Québec traite la nation québécoise comme un concept qui ne commande aucune synthèse, aucun plan.
Systématiquement, on entend que la compulsion de convergence du régime canadien est dictée par la largeur de vues et l’efficacité de la structure. Le sénateur Rivest a au moins rompu avec ce récit habituel. D’ordinaire, on entend que la question du Québec est teintée d’archaïsmes et qu’elle sera résolue par des ententes spontanées et par le passage à un état moral supérieur, l’évolution devant canadianiser le Québec.
Pourquoi les partis unitaristes écartent la question québécoise en tant qu’enjeu? D’abord parce qu’ils ne veulent absolument pas fonder la pratique de leur système sur une théorie des rapports entre deux cultures nationales et leurs institutions respectives. Comme la nation québécoise n’a pas d’assise, aucune postulation de cohérence dans le système canadien, ils peuvent remplacer jusqu’à sa mention par des politisations fondées sur les correspondances régionales.
Le pari est le suivant. La conscience des peuples traverse de nos jours un temps beaucoup plus éclaté qu’avant. L’opinion publique n’est pas la matrice des types et des mouvements postérieurs. La population finit toujours par voter sur un nouveau sujet et par déclasser un enjeu. En attendant, on peut compter sur la Constitution canadienne avec ses verrous. Elle finira par tout enterrer. Trudeau ne disait-il pas que la Constitution canadienne était verrouillée pour mille ans?
Ce sont les institutions canadiennes qui sont cette matrice. Un jour ou l’autre, par épuisement des choix, la population québécoise appuiera des représentants qui consentiront à être un rouage du régime. Entre-temps, l’unique urgence est de continuer de traiter la nation québécoise comme une hypothèse dans l’histoire des différences canadiennes.
On va dire aux Québécois au cours des prochaines semaines que leur influence est inversement proportionnelle à leur appui au Bloc. On doit choisir des représentants du Québec qui seront une couche de la représentation canadienne et dont la fonction politique critique ne doit pas s’appuyer sur l’existence de la nation québécoise. Il paraît que ce serait la règle de l’efficacité démocratique au Canada et que celle-ci pose des conditions très strictes, au-delà du droit de vote.
André Savard


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    27 mars 2011

    Merci de cet exposé du machiavélisme canadien.
    Avant que toute la population québécoise ne se laisse contaminer par ces virus, il importe que s'expriment ceux qui peuvent encore influencer en faveur de notre distinction de culture.
    Au Parti Québécois, reprennent la route ceux qui se font appeler L'ABCD de la souveraineté, les plus jeunes députés:
    Aussant, Blanchet, Cloutier, Drainville.
    Ils sont en Montérégie le 31 mars 2011, 19 hres, au 1887 Bourgogne, à Chambly.
    Ils parlent franc et connaissent la distinction entre un Québécois et un diffamateur de Québécois.
    http://pq.org/abcd