(Québec) «Il faut qu'on se parle.» Lorsque des conjoints en sont rendus là, c'est sérieux. Lorsque le premier ministre Jean Charest l'affirme aussi, les Québécois doivent décoder que ça ne va pas bien du tout et qu'il faudra faire de gros sacrifices pour rééquilibrer les finances de l'État. En souhaitant des états généraux sur la tarification des services publics, Jean Charest s'assure de ne pas porter seul le poids des mauvaises nouvelles.
Convier le Québec à un grand dialogue, pour déterminer quels sont les services dont les coûts pourraient être haussés pour regarnir les coffres de l'État, a un caractère pédagogique indéniable. L'expression de points de vue de la part de divers acteurs de la société permet de prendre des décisions plus éclairées, de limiter la résistance et les effets secondaires indésirables.
Lorsque des choix difficiles sont à faire, mieux vaut aussi obtenir l'adhésion d'un grand nombre de gens avant de prendre le virage. N'eut été de la grand-messe de Lucien Bouchard, le Québec aurait mis plus de temps pour atteindre le déficit zéro, ou du moins s'en rapprocher. Sans la prise de conscience collective de 1996, personne ne s'inquiéterait aujourd'hui du déficit et personne ne réclamerait un échéancier pour le retour à l'équilibre. Plusieurs ont finalement compris qu'on ne pouvait indéfiniment léguer le fardeau de la dette aux générations futures.
Or, il faudrait être bien naïf pour croire que le premier ministre n'a que des visées pédagogiques. En convoquant un sommet, M. Charest veille à ne pas se voir accoler l'étiquette du premier ministre qui a monté les tarifs, en plus d'être identifié comme celui qui a augmenté la taxe de vente. Si les participants à un éventuel sommet concluent que d'autres hausses de taxes ou d'impôts sont nécessaires, M. Charest pourra toujours dire que la décision a fait l'objet d'un consensus.
La stratégie est habile. Elle révèle cependant un manque de courage de la part du premier ministre. D'abord, il n'a pas donné l'heure juste l'an dernier lorsqu'il a demandé un mandat fort aux électeurs. Qui plus est, il continue de ménager les Québécois en laissant croire que la majoration des services publics permettra de renflouer les coffres.
À moins de hausses vertigineuses qui risqueraient de nuire à une économie au ralenti et aux moins fortunés, c'est irréaliste. L'opération rééquilibrage devra être plus large. Un déficit de plus de 11 milliards $ d'ici 2014 ne s'effacera pas en augmentant de quelques dollars les services de garde, les droits de scolarité, les tarifs d'électricité ou en introduisant un ticket modérateur pour les soins de santé. Rappelons que le Fonds monétaire international a indiqué récemment que les hausses d'impôt seraient
inévitables.
Le regard sur les finances publiques doit forcément déborder la tarification des services. Notre régime fiscal était-il toujours adéquat? Le gouvernement touche-t-il vraiment toutes les sommes prévues ou les particuliers et les entreprises échappent-ils trop aisément au fisc?
Même si la révision des tarifs peut paraître une façon simple d'augmenter les revenus, il importe aussi d'évaluer l'impact de celle-ci sur la clientèle. En 1997, la mise à la retraite massive de personnel médical et infirmier a certes permis d'atteindre le déficit zéro. Mais, elle a aussi engendré une sérieuse pénurie de main-d'oeuvre dans les hôpitaux. Il faut éviter de répéter ce type d'erreur et prévoir des mesures de soutien ou des crédits pour certains utilisateurs.
L'exercice sera fort exigeant. Le gouvernement fédéral devra lui aussi redresser ses finances. Les provinces risquent à nouveau d'écoper. M. Charest doit faire preuve de leadership, de vision et, surtout, de plus de courage. C'est lui qui a été élu premier ministre.
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