Taisez-vous!

L'argument d'autorité est le plus faible. Mais associé à des préjugés déplorables ("Et on sera revenu au point de départ de ce débat, c'est-à-dire à l'intolérance et à l'ignorance mutuelles."), il retourne contre son auteur son incapacité à convaincre.


Le chef de l'opposition officielle, Mario Dumont, a raison de déplorer la situation produite par les fuites d'une ébauche du rapport Bouchard-Taylor: «Ceux qui ont vu le rapport ne le commentent pas et tout le reste de la société commente un rapport qu'ils n'ont pas vu.» Selon M. Dumont, le gouvernement doit publier le rapport sans tarder pour que «ça arrête». On peut arriver au même résultat sans passer par une publication en catastrophe du document: il suffit que les politiciens se taisent tant qu'ils ne l'auront pas lu.

Lundi (se fondant sur les articles d'un journal dont elle endosse rarement le contenu...) la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a évoqué Elvis Gratton pour qualifier certaines suggestions de MM. Bouchard et Taylor. Hier, elle a parlé de «caricature», toujours sans avoir lu le rapport.
M. Dumont, lui, s'est dit hésitant à commenter le document. Ce qui ne l'a pas empêché de déclarer que si les commissaires concluent «que le problème, c'est qu'il faut changer la majorité du Québec puis les remplacer par d'autres», le gouvernement devrait sur-le-champ le ranger sur une tablette. N'est-ce pas ce même Mario Dumont qui, l'an dernier, s'était solennellement engagé à mettre en application les recommandations dudit rapport...
Le gouvernement Charest a chargé deux de nos plus grands intellectuels de consulter les Québécois et de réfléchir, à tête reposée, à ce problème épineux. MM. Bouchard et Taylor ont fait un travail consciencieux. Ils ont reçu 900 mémoires et entendu près de 600 témoignages. Ils ont commandé des études à divers spécialistes.
Comme le disait André Boisclair à propos des deux commissaires, «il n'y a personne qui peut remettre en cause à la fois leur honnêteté intellectuelle, leur passion pour le Québec, leur désir de bien servir l'intérêt public». L'oeuvre considérable de chacun d'entre eux nous permet de croire que leur rapport sera riche, nuancé, empreint de sagesse. Des nuances, de la sagesse, que l'on en a besoin dans ce débat!
C'était sans compter l'irresponsabilité de certains de nos politiciens, qui se fichent éperdument du fond de la question, qui n'ont en tête que leurs petits intérêts partisans. Mario Dumont et Pauline Marois ne veulent pas résoudre la «crise» des accommodements raisonnables. Au contraire, ils veulent qu'elle se prolonge dans l'espoir d'en tirer profit. S'ils peuvent caricaturer le rapport Bouchard-Taylor et ainsi soulever l'indignation de la population, ils n'hésiteront pas une seconde à le faire. Et on ne serait pas étonné de voir les libéraux suivre le courant, de peur d'être débordés sur le front sacré de l'identité.
Compte tenu de l'envergure de MM. Bouchard et Taylor, de la consultation très étendue qu'ils ont menée, des centaines d'heures qu'ils ont consacrées à étudier le problème sous tous ses angles, ne devrait-on pas au moins lire ce qu'ils ont écrit? Prendre le temps de réfléchir aux fruits de leurs travaux?
Mais non! On sait déjà que les centaines de pages écrites par Gérard Bouchard et Charles Taylor seront balayées par les clips politiciens. Et on sera revenu au point de départ de ce débat, c'est-à-dire à l'intolérance et à l'ignorance mutuelles. Quel gaspillage!

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André Pratte878 articles

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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mai 2008

    Vous aussi, M. Pratte, vous préjugez avant même d'avoir lu ce rapport. En pareil cas, les journalistes, et particulièrement les éditorialistes ou chroniqueurs, doivent se taire, comme doivent le faire les politiciens.
    "L’oeuvre considérable de chacun d’entre eux (Bouchard et Taylor) nous permet de croire que leur rapport sera riche, nuancé, empreint de sagesse", écrivez-vous. - Pas sûr du tout que ce soit le cas, surtout si les fuites qui ont coulé s'avèrent justes et réelles, et compte tenu de l'attitude des commissaires avant même le début des travaux de leur Commission, et tout au long des consultations... - Le rapport nous montrera s'ils nous ont bien écoutés, ou non. Comptez sur la croqueuse de mots pour en juger lorsqu'elle aura épluché ce rapport. D'ici là, pas un mot ne sortira d'entre ses dents!
    Attaquez les chefs d'opposition tout à votre aise, que vous traitez d'irresponsables et ne tenant compte que de "leurs petits intérêts partisans". - On les a bombardés de questions pour connaître leurs réactions face à ce qui a coulé du rapport à venir, et ils ont répondu, avec de prudents "SI c'est vrai..." - En attendant de découvrir le vrai contenu et de voir s'il correspond ou non au rapport final tel que présenté depuis samedi dernier, il est loin d'être dit qu'ils le balayeront de revers de la main. Ce rapport est bien trop important pour oser poser un tel geste!
    Allez, Monsieur Pratte, un peu moins de mépris et un peu plus de respect pour nos élus!

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mai 2008

    Nous devrions lire le rapport avant de le commenter M. Pratte ?
    Il semble que The Gazette l'ait lu avant les autres et laissent filer des informations étranges. À la Gazette de corriger le tir non ? ou au rapport de sortir aujourd'hui avant que cette société QUÉBÉCOISE, imbécile par définition selon certains, ne s'emballe.
    Sébastien Harvey

  • Archives de Vigile Répondre

    21 mai 2008

    Les grands intellectuels indépendantistes quand ils ont la plus mince tribune vous vous mettez aussitôt à aboyer...
    Je croyais que nos plus grands intellectuels étaient tous ces commentateurs fédéralistes de la presse et nul autre journal hormis The Gazette peut-être qu'on voit nous expliquer toutes choses politiques pour qu'on comprenne à radio-canada. Pourquoi Taylor viens pas nous tomber dessus à la presse parce que lui ce philosophe il nous a expliqué déjà beaucoup de choses politiques pour qu'on comprenne à radio-canada.
    À titre de bibliographie tant qu'à y être (on parle pour parler), Jacques Keable a écrit un livre publié chez Lanctôt en 2004 que je n'ai toujours pas lu mais dont le titre à lui seul me parait une lecture délectable que je me relis d'ailleurs souvent: La grande peur de la télévision: Le Livre