Une menace au dynamisme des universités

Université - démocratisation, gouvernance et financement

Le ministère s'illusionne sur la meilleure gouvernance attendue et menace le plus important facteur du progrès d'une université, la motivation et le dynamisme des professeurs, nous rappelle l'auteur.
(À la ministre de l'Éducation Michelle Courchesne) - Ce que je lis à propos du projet de loi sur la gouvernance des universités confirme mes craintes. Voilà qu'une université a échoué dans un montage financier préparé avec des milieux d'affaires. On en a blâmé la direction de l'établissement. Avec raison sans doute, mais pour être juste, il eut fallu aussi scruter les responsabilités de deux instances majeures: l'Assemblée des Gouverneurs du réseau de l'université concernée et le ministère de l'Éducation lui-même.
Pour prévenir de semblables mésaventures, vous proposez de confier à des personnes de l'extérieur la majorité des sièges à tous les conseils universitaires. Solution curieuse étant donné que pour le cas mentionné, les milieux d'affaires étaient bel et bien, n'est-ce pas, de l'extérieur! Mais il y a plus grave: sans rien améliorer de la gestion, cette loi risque de freiner ce qui constitue le plus important facteur de dynamisme d'une institution universitaire. Je m'explique.
Y aurait-il avantage, sur les conseils d'administration, à une présence largement majoritaire de membres extérieurs? Pas vraiment si je m'en tiens à ma longue expérience. Je ne me souviens pas avoir observé (comme membre d'assemblée de gouverneurs et de conseils d'administration dans les rôles de professeur, doyen, recteur et président) que cette présence externe ait significativement aidé, la discrétion étant plutôt ce qui caractérise les membres extérieurs. J'ai la conviction qu'avec ce projet de loi, les universités ne seraient pas mieux gérées. Il faudrait sans doute trouver de meilleures façons de faire connaître les besoins du milieu ou de tirer avantage de ses compétences.
Par cette loi, on risque d'affecter le dynamisme et donc la qualité des universités. Il est largement reconnu que l'excellence (objectif représentant un défi énorme dans le monde d'aujourd'hui) de l'enseignement et de la recherche est fonction en tout premier lieu des exceptionnelles qualités et initiatives des professeurs. Et ce sont eux en particulier qui en se soumettant année après année à la vive compétition des subventions, apportent la majeure partie du financement de la recherche (ne pas oublier que le niveau de l'enseignement est en étroite relation avec celui de la recherche). Les sommes « gagnées» ainsi sur la concurrence représentent souvent le quart des budgets des universités, parfois même jusqu'à la moitié chez celles reconnues les meilleures.
En réduisant sérieusement la place des professeurs sur les conseils, cette loi émettrait un mauvais signal. Ma conviction est que non seulement elle n'améliorerait pas la gouvernance, mais qu'elle menacerait le plus puissant facteur du progrès d'une université: la motivation et le dynamisme de ses professeurs.
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Hubert Laforge, professeur, doyen et recteur à la retraite


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